Les Chansons
Boris Vian a certainement écrit environ 600 chansons dont plus de 500 sont parvenues jusqu’à nous.
Il est dit que la première chanson écrite par Boris Vian date du 2 août 1944 et s’intitule Comme au bon vieux temps.
C’est Johnny Sabrou, guitariste de l’orchestre de Claude Abadie qui lui en fit la demande... Puis ce sera Jack Diéval, fameux pianiste de jazz, qui commande plusieurs chansons au Bison, surnommé ainsi par lui-même et ses amis par un jeu d’anagramme.
On prête également le célèbre refrain Ah si j’avais un franc cinquante, qui deviendra l’indicatif du Tabou, à une traduction de Boris Vian sur l’air du standard américain Whispering.
Boris Vian n’en a pas fini avec la chanson sous toutes ses formes et il fonde en 1947 avec Paul Braffort, la petite chorale de Saint-Germain-des-Pieds qui n’aura qu’une durée de vie éphémère...
A partir du début des années 50, plusieurs chansons sont éditées et donc reconnues en tant que telles. Henri Salvador interprète l’une d’elle, La vie grise, et Boris Vian souhaite déposer à la SACEM ses textes sous le nom de Vernon Sinclair, allusion bien entendu à son autre pseudonyme de Vernon Sullivan. Ce n’est pas du goût de tout le monde et Boris Vian passe à autre chose pour ne pas rester sur cet échec cuisant qui le poursuit toujours et nommé J’irai cracher sur vos tombes.
André Hodeir collabore avec Boris Vian pour des chansons mais aussi pour des titres interprétés dans des spectacles. Ainsi à cette période, il était beaucoup plus courant de voir associée la musique à la scène théâtrale. Boris Vian y voit une brèche et s’y engouffre.
Mais en 1953, un fait majeur dans la vie de Boris Vian va arriver avec la commande d’un livret d’opéra par la ville de Caen. Il s’agit de collaborer avec un jeune compositeur fort brillant et protégé de Darius Milhaud, Georges Delerue. A eux deux, en quelques mois, ils composent un spectacle théâtral et musical d’envergure avec chevaux, acrobates, cascadeurs et grand orchestre qui fera le bonheur de cette ville en 1953.
Parallèlement, la chanson reste une occupation intéressante et qui produit de jolis fruits alors pourquoi pas se lancer dans des comédies musicales comme à Broadway. Boris Vian rêve de cette étape dans sa vie d’artiste : l’Amérique et la scène ! Ça c’est un programme. Pourtant ses deux fameuses comédies musicales, Mademoiselle Bonsoir et La reine des garces resteront dans les tiroirs jusqu’en... 2009. Boris Vian toujours à contretemps !
Boris Vian, homme de lettres certes mais aussi homme de tempo et soupir, fabrique des textes en résonance avec son temps : Le Déserteur naît ainsi en janvier 1954 alors que la France vit drame sur drame entre la guerre de Corée, l’Indochine et les événements d’Algérie qui s’annoncent.
Si cette chanson suscite des remous, Boris Vian affirme son talent d’auteur et on lui commande des chansons interprétées par les grandes vedettes de cette époque comme Renée Lebas. Il s’associe avec Jimmy Walter pour la composition de quelques chansons restées très célèbres : J’suis snob ou Le tango des bouchers de La Villette. C’est également Jimmy Walter qui accompagne Boris Vian lors de son tour de chant aux Trois Baudets.
L’ami Jacques Canetti, célèbre producteur et directeur de la salle parisienne Les Trois baudets, a compris que seul Boris Vian pouvait chanter ses chansons anachroniques et très personnelles : La java des bombes atomiques ou La complainte du progrès. C’est son ami Alain Goraguer qui prend le relais pour les compositions musicales et les tournées dans les villes d’eaux françaises. Tout ne se passe pas bien, la réception est difficile mais Boris Vian, dit Alain Goraguer, « ne lâche pas le morceau » et va tant bien que mal presque toujours au bout de son tour de chant. Néanmoins, il s’essouffle dans tous les sens du mot et sa santé très atteinte par une maladie de cœur le rattrape au point de le laisser alité pour des mois.
On peut dire qu’il ne s’en relèvera jamais même s’il trouve la force d’enregistrer ses chansons en 1955. C’est son ami Georges Brassens qui écrit au dos de sa pochette de disque un texte très amical et prophétique ! Boris Vian va tout de même reprendre ses fonctions de directeur chez Philips, où on le congratule et le reconnaît pour ses dons, non seulement d’auteur, mais encore de découvreur de talents, de directeur artistique, d’ingénieur du son, de concepteur de pochettes de disques...
En 1958, Serge Gainsbourg lui tape dans l’oreille et celui-ci dira toujours que sans avoir vu Boris Vian sur scène et écouter ses mélodies puis lu ses premières critiques le concernant, il n’aurait jamais osé écrire et faire de la scène. Cette période marque une production de chansons énorme qu’on peut chiffrer à environ deux cents textes. Boris Vian a toujours beaucoup à dire et donc à écrire… Il multiplie les collaborations et Michel Legrand, Louis Bessières, Alix Combelle, Janine Bertille, Claude Bolling, Léo Campion ou Django Reignhardt croisent sa route.
Boris Vian, source d’inspiration, c’est toujours le cas, 70 ans plus tard… : Il serait impossible de nommer tous les artistes qui ont interprété ses textes mais il serait dommage de ne pas citer certains d’entre eux : Jacques Higelin, Serge Gainsbourg, Bernard Lavilliers, Renaud, Catherine Ringer, Olivia Ruiz, Juliette, Daniel Darc, Jean-Louis Trintignant ou Carmen Maria Véga... sans oublier pour les rocks célèbres : Magali Noël et bien sûr toujours son ami Henri Salvador qui jusqu’à sa dernière heure a chanté Le blouse du dentiste.
Boris Vian dit dans une interview donnée en 1956 : « J’ai toujours songé à la musique, de près ou de loin ».
Ainsi Boris Vian, homme de lettres sera, très tôt, indissociable du Boris Vian, homme de musiques.